Sorti en décembre 2016 sur Steam, Zeus + Poseidon est la compilation moderne de deux titres majeurs du studio Impressions Games : Zeus: Master of Olympus (2000) et son extension officielle, Poseidon (2001). Cette réédition permet aux joueurs de (re)découvrir l’apogée de la série des city-builders historiques du développeur, qui avait commencé avec Caesar et Pharaoh. Se déroulant dans le cadre captivant de la Grèce antique et de ses mythes, ce jeu allie avec brio la gestion urbaine traditionnelle et une narration peuplée de divinités et de héros. Cette analyse se propose de décortiquer les mécanismes, l’héritage et la postérité de ce titre souvent considéré comme le plus accessible et le plus dynamique de sa lignée.

Le gameplay : un city-builder au rythme effréné
Le cœur de Zeus + Poseidon repose sur une formule éprouvée de gestion de ville, mais considérablement accélérée et simplifiée par rapport à ses prédécesseurs égyptiens ou romains. Le joueur doit ériger et développer une cité-état grecque florissante, en gérant l’approvisionnement en biens de base (nourriture, eau, huile d’olive), le logement de ses citoyens et les impératifs économiques. La grande innovation réside dans la monétarisation intégrale de l’économie : contrairement à Pharaoh, où les ressources physiques devaient être produites et acheminées, presque toutes les chaînes de production ici peuvent être court-circuitées en important des marchandises contre de la drachme, la monnaie du jeu. Cette approche réduit la complexité et le « grind » souvent associés au genre, permettant au joueur de se concentrer sur l’expansion et l’embellissement de sa cité. Le rythme de construction est également beaucoup plus rapide, les bâtiments apparaissant instantanément, ce qui permet de planifier et d’agir sans attente fastidieuse.
La dimension narrative et mythologique
L’une des forces les plus marquantes de Zeus + Poseidon est son intégration profonde de la mythologie grecque, qui dépasse largement le simple habillage thématique. Le jeu est structuré autour de « campagnes aventures », une série de scénarios reliés par une trame narrative qui reprend les grandes épopées et légendes de la Grèce antique, comme la guerre de Troie ou les travaux d’Héraclès. Cette approche contraste avec les campagnes plus classiques des jeux précédents et offre un sentiment de progression et de finalité. Les dieux de l’Olympe ne sont pas de simples entités abstraites : ils interviennent physiquement dans votre ville, se promènent dans les rues, lancent des malédictions ou accordent des bénédictions en fonction de votre piété. Invoquer un héros pour combattre un monstre envoyé par une divinité courroucée n’est pas une simple animation, mais un événement gameplay qui peut sauver votre cité du chaos. Cette narration interactive confère à l’expérience un charme et une personnalité uniques.

L’apport de l’extension Poseidon
L’extension Poseidon, incluse dans ce bundle, enrichit substantiellement l’expérience sans en révolutionner les fondements. Sa principale innovation est le cadre : l’Atlantide, qui permet aux développeurs de prendre des libertés créatives avec la conception des missions. Le changement le plus significatif concerne la gestion de la culture et des loisirs. Les structures de divertissement traditionnelles (théâtres, gymnases) sont remplacées par des bâtiments scientifiques (bibliothèques, observatoires, musées) pour satisfaire une population avide de connaissances. L’extension introduit également de nouveaux matériaux de construction, comme le marbre noir et l’orichalque, nécessaires à l’édification de pyramides et d’autres merveilles architecturales, un concept hérité de l’extension Cléopâtre de Pharaoh. Autre ajout notable, l’hippodrome permet d’organiser des courses de chars, une source de revenus et de bonheur pour les citoyens, malgré une interface de construction jugée peu pratique. Enfin, l’expansion réduit volontairement la place du combat, le confinant souvent à un rôle défensif, une décision qui a pu frustrer certains amateurs de stratégie militaire mais qui allège la charge de gestion.
La réalisation technique et artistique
Sur le plan technique, la version Steam de 2016 est une portage fidèle du jeu original, ce qui présente à la fois un avantage et des défis. La compatibilité avec les systèmes d’exploitation modernes est assurée, mais le jeu manque initialement de support pour les écrans larges et peut souffrir d’une vitesse d’exécution trop rapide en raison de la puissance des PC actuels. Heureusement, la communauté a pallié ces défauts avec des correctifs non officiels, comme un patch HD et l’utilisation de « Cheat Engine » pour ralentir la vitesse du jeu. Sur le plan artistique, le jeu a merveilleusement bien vieilli. Son style cartoon coloré et ses sprites détaillés possèdent un charme intemporel. L’humour est omniprésent, des dialogues pleins de jeux de mots et de références mythologiques prononcés par les citoyens jusqu’aux interventions truculentes des dieux. La bande-son, fréquemment citée comme l’une des meilleures du genre, participe grandement à l’immersion et est considérée par de nombreux joueurs comme inséparable de l’expérience.

La postérité et le support communautaire
Zeus + Poseidon bénéficie d’une longévité exceptionnelle, largement portée par une communauté de joueurs dévoués. De nombreux amateurs considèrent toujours ce titre comme « le meilleur city-builder jamais fait » plus de vingt ans après sa sortie initiale. Cet attachement se manifeste par la création et le partage continus de campagnes personnalisées, prolongeant la durée de vie du jeu de manière quasi illimitée. Des projets ambitieux comme l’extension non officielle « Le Maître de la Guerre : Arès » témoignent de cette vitalité, en proposant des scénarios inédits, une difficulté rehaussée et une exploitation poussée des mécaniques de combat, répondant ainsi aux désirs des joueurs les plus aguerris. Cette capacité à inspirer les créateurs amateurs assure au jeu une pertinence durable, en faisant bien plus qu’un simple relique nostalgique, mais une plateforme de jeu vivante et évolutive.
Une place dans la lignée des city-builders historiques
Zeus + Poseidon représente l’aboutissement d’une formule éprouvée par Impressions Games. Il se situe à mi-chemin entre la complexité profonde de Pharaoh et l’accessibilité recherchée. S’il est parfois critiqué par les puristes pour la linéarité de ses chaînes de production et sa gestion économique moins exigeante, ces simplifications sont aussi ses plus grandes forces. Elles lui permettent d’offrir une expérience de city-building rapide, fluide et extraordinairement ludique, où le joueur passe plus de temps à concevoir et à admirer sa cité qu’à résoudre des problèmes logistiques complexes. En intégrant la mythologie non comme un décor, mais comme un élément central du gameplay et de la narration, il a créé une identité unique qui continue de le distinguer dans le paysage du jeu de gestion. Il incarne ainsi une philosophie de design où le plaisir et l’aventure priment sur le réalisme et la simulation pure.
Conclusion
Zeus + Poseidon est bien plus qu’une simple réédition ; c’est la préservation d’un chef-d’œuvre du city-building qui a su concilier comme nul autre la gestion exigeante et le récit mythologique. Son gameplay dynamique, son humour omniprésent, sa direction artistique colorée et sa narration ingénieuse lui confèrent une personnalité unique et intemporelle. S’il présente certaines limitations techniques sur les systèmes modernes, facilement résolues par les correctifs de la communauté, son cœur gameplay n’a pas pris une ride. Pour les nouveaux joueurs, il reste une porte d’entrée idéale dans le genre, et pour les vétérans, un titre auquel il est toujours agréable de revenir, notamment grâce à l’incroyable vivier de scénarios créés par des fans passionnés. Zeus + Poseidon mérite amplement son statut de classique culte et demeure, à bien des égards, une référence incontournable.

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