Après avoir découvert le jeu de Tale Of Tales, Luxuria Superbia, j’ai pris contact avec Michaël. J’ai présenté son jeu Luxuria Superbia et ensuite, je lui ai proposé de répondre à quelques questions car, vraiment, je trouve ce jeu différent de tous les autres. Heureusement pour moi comme pour vous, il a gentiment accepté de répondre à mes questions.
Graal : Quelle a été votre inspiration pour Luxuria Superbia ?
Michaël Samyn : Le jeu a été inspiré par beaucoup de choses. Les fleurs et le sexe, bien sûr, mais aussi l’architecture, la cosmologie, la géométrie, la bijouterie, les ornements, la religion… Mais principalement par un mélange entre ces différents sujets dans la récurrence de certains motifs entre eux. Il y a une fascination pour la symétrie, à la fois pour la symétrie miroir (comme dans le corps humain et de nombreuses formes de vie) et la symétrie circulaire (comme dans les fleurs et l’architecture sacrée). Puis il y a la structure du plaisir avec le commencement calme et dont l’intensité va en augmentant par la répétition (ce qui fait référence à la symétrie) pour culminer dans l’extase et terminer dans le calme.
C’est un modèle qui structure de nombreux évènements, à la fois humain et inhumain, à la fois organique et inorganique. C’est aussi une structure qui est utilisée énormément dans l’art, de la narration à l’architecture et bien sûr, dans les jeux. On peut dire que Luxuria Superbia est un jeu sur le fait de jouer.
Graal : Quand je vois Luxuria Superbia, je suis captivé par les couleurs et la musique. Comment avez-vous su, quand vous les avez choisi tous les deux, que c’était les bons ?
Michaël Samyn : Nous n’avons pas choisi la musique. Nous avons choisi un compositeur dont le travail pouvait correspondre au projet. Nous lui avons donné carte blanche pour qu’il crée la musique qui corresponde le mieux au concept.
Le choix des couleurs arc en ciel nous est venu en essayant de simplifier et de nous concentrer sur le design. Un arc en ciel nous a paru comme un moyen efficace d’exprimer une bonne humeur. Sa simplicité nous avait échappé lors de nos premières réflexions pleines d’une atmosphère mystérieuse autour de la cosmologie et de la mythologie pour nos premiers prototypes.
Mais plus que la musique ou les couleurs en tant que tel, je pense que ce qui est captivant est comment ils sont utilisés dans le jeu. La musique est très dynamique et réactive. Luxuria Superbia est dans une large mesure un jeu musical. Les couleurs sont aussi réactives. Elles sont très saturées, ce qui est plutôt rare dans les jeux vidéo. Les grands champs sont très saturés en couleur ce qui donne la sensation qu’ils vous étreignent avec chaleur.
Graal : Pensez-vous que vous pourriez réaliser un Luxuria Superbia 2 ? Qu’est-ce que vous mettriez dedans ?
Michaël Samyn : Il y avait beaucoup d’idées de Luxuria Superbia que nous avons pas pu mettre dans le jeu. Une d’entre elles est la création de multiples jardins avec une difficulté croissante, chacun avec son propre thème. Une autre est d’avoir des créatures vivantes, autonomes dans les tunnels.
Mais plutôt que faire une simple suite, nous aimerions revenir à la source de Luxuria Superbia : un projet de recherche s’appelant Cncntrc. Nous avons étudié beaucoup de sujets et conçu plusieurs prototypes qui sont tous très intéressants à leurs manières. Luxuria Superbia était un premier jeu simple né de cette recherche. Nous aimerions en faire beaucoup plus, dans des styles différents.
Mais cela devra attendre parce que nous travaillons sur quelque chose de complètement différent maintenant.
Graal : Les jeux indépendants ont de bons résultats depuis quelques années. Comment pouvez l’expliquer ? Est-ce plus ou moins difficile en Belgique ?
Michaël Samyn : En fait, ce moment où les jeux indépendants ont un bon retour semble se terminer. Les prix sont en baisse et l’offre augmente. Nous entendons de plus en plus d’histoires sur des jeux indépendants qui n’ont pas un public suffisant. Peut-être cela va amener à un amincissement proverbial du troupeau ce qui permettra à la scène de redevenir en bonne santé financièrement parlant.
Créer des jeux vidéo de manière indépendante est tout à fait logique. La technologie est abordable et l’internet à haut débit nous donne un accès direct à notre public. En plus, les jeux vidéos offrent tellement de territoires créatifs inexplorés car depuis des décennies, les gens semblent toujours faire et jouer aux même petits nombres de jeux encore et encore. Finalement, les joueurs commencent à prendre goût pour de nouveaux styles de jeux avec de nouveaux contenus, offert principalement par des développeurs indépendants.
Nous aimons la Belgique. Mais, nous vivons sur Internet. Nous n’avons pas beaucoup de contacts avec le pays où nous vivons, à part les visites occasionnelles de la cathédrale, du musée, de concert ou de spectacles de théâtre, qui sont tous très bons en Belgique. Bien sûr, manger et boire sont aussi de très bonnes expériences ici. La seule chose qu’il était relativement facile d’obtenir jusqu’ici était un financement artistique pour la création de jeux. Mais avec la mise en place d’un fond spécifique pour les jeux vidéo, la plupart des avantages ont été perdus, car les jeux vidéos sont considérés avant tout par ce fond comme un produit commercial plutôt que comme une forme d’art.
Graal : Merci pour vos réponses, Michaël.